De nouvelles recherches prouvent que les moustiques ne piquent pas au hasard
Quelles odeurs les attirent ?
Résumé de l’excellent article de Connie Chang – National Géographic du 21/06/23
Les moustiques adorent Kim Zarins, professeure d’anglais à l’université d’État de Californie (Sacramento), beaucoup plus que son fils. Il sait que s’ils sont ensemble, il ne risque rien. Kim est un aimant à moustique !
Plus qu’une simple nuisance, les moustiques peuvent véhiculer des maladies dévastatrices telles qu’une infection par le virus Zika, la dengue, le paludisme et la fièvre du Nil occidental, et sont responsables de plus d’un million de décès chaque année. Alors qu’historiquement ils étaient plus répandus dans les climats tropicaux, les moustiques porteurs d’agents pathogènes élargissent leur champ d’action à mesure que la planète se réchauffe.
Les moustiques se basent sur toute une série de signaux pour se diriger vers la cible idéale. Les humains se distinguant des autres animaux par leur odeur, certains moustiques ont évolué pour rechercher spécifiquement notre effluve unique.
À une distance de 70 mètres, ils suivent les panaches de CO2 que nous exhalons à chaque respiration. Puis à quelques mètres, ils sentent les odeurs des différentes parties de notre corps (aisselles, peau, pieds…).
Les odeurs que les moustiques préfèrent
« La capacité des moustiques à nous détecter est vraiment remarquable », déclare Diego Giraldo, neuroscientifique à l’université Johns-Hopkins et coauteur d’une nouvelle étude caractérisant les profils olfactifs humains qui attirent Anopheles gambiae, un moustique africain qui transmet le paludisme.
Le professeur Giraldo a conduit une expérience pour laquelle était relié à huit tentes par des conduits d’air qui acheminaient les odeurs des occupants. Au cours de l’expérience, les moustiques étaient quatre fois plus susceptibles d’être attirés par certaines odeurs provenant des conduits plutôt que par d’autres.
« Cela montre bien que, même dans des situations complexes, avec de multiples sources d’odeurs, les moustiques semblent préférer certaines personnes à d’autres », explique le neuroscientifique. Ce sont les concentrations de ces différentes substances chimiques qui détermineraient la probabilité que les moustiques piquent les sujets.
« L’odeur humaine est incroyablement complexe »
Des substances chimiques attrayantes pour les moustiques
Dans les odeurs humaines sont présents beaucoup de composés chimiques que personne n’a jamais classifiés auparavant. Leur analyse a permis de découvrir quinze composés en suspension dans l’air présents dans les odeurs produites par tous les sujets de l’expérience. Les 2 principaux sont :
- Les moustiques ont été particulièrement attirés par les acides carboxyliques, une catégorie d’acides gras présents dans la sueur humaine et dont l’odeur est parfois comparée à celle du beurre ou du fromage rance. Nous produisons ces acides dans notre sébum, la couche huileuse qui protège notre peau
- Les insectes ont également été attirés par l’acétoïne qui est également produite par les microbes sur notre peau. Il semble donc que le microbiome de la peau joue un rôle important dans notre odeur et dans ce qui attire les moustiques chez nous.
Si des facteurs tels que la grossesse, l’état de santé ou ce que nous mangeons et buvons peuvent avoir une influence sur notre odeur, certaines caractéristiques sont remarquablement stables et persistent pendant des mois, voire des années.
Comment tromper « l’odorat » des moustiques ?
Si l’odeur de notre corps peut attirer les moustiques, il est possible que le lavage ou la superposition de parfums puisse les dérouter.
Comme l’ont découvert les scientifiques lors d’une récente preuve de concept qui a exploré l’impact de ces savons sur la capacité des moustiques à nous suivre à la trace, la réalité est toutefois plus complexe.
Pour leur première expérience, les chercheurs ont comparé le nombre de fois où les moustiques se posaient sur une manche en nylon portée sur un bras d’abord non lavé, puis lavé, d’un même sujet. À la surprise des chercheurs, dans certains cas, le nombre d’atterrissages de moustiques augmentait après le lavage, ce qui indique que le savon amplifiait leur l’attrait.
« Tous les savons que nous avons utilisés contenaient en majorité un composé appelé limonène, répulsif connu pour les moustiques, mais trois savons sur quatre les ont pourtant davantage attirés », explique Clément Vinauger, neuro-éthologue à l’Institut polytechnique et université d’État de Virginie et co-auteur de l’étude.
La même substance chimique peut donc attirer ou repousser les moustiques en fonction de sa concentration et de la façon dont elle est combinée à d’autres substances naturelles présentes sur la peau humaine.
« Les moustiques ne peuvent se fier à un seul signal et disposent donc d’un très solide système pouvant détecter toute une gamme d’odeurs, ce qui est très difficile à représenter »
Les meilleurs moyens pour repousser les moustiques
La recherche visant à mettre au point des répulsifs infaillibles n’en est qu’à ses balbutiements mais les scientifiques ont déjà quelques idées basées sur la science actuelle.
Clément Vinauger suggère d’essayer des produits à l’odeur de noix de coco, le parfum associé au savon qui a davantage dissuadé les moustiques. « Lorsque nous collectons des moustiques, nous portons des manches longues et des vêtements clairs car ils ont tendance à être attirés par les couleurs sombres».
La meilleure défense contre les moustiques reste néanmoins les répulsifs traditionnels comme le DEET que les experts recommandent si vous prévoyez de séjourner dans des régions où les maladies qu’ils transmettent sont endémiques. Toutefois, selon lui, « l’avenir réside dans la compréhension du microbiome de la peau humaine et le développement d’une solution probiotique qui le manipulera pour protéger les gens contre les piqûres de moustiques ».
Il est essentiel de poursuivre la recherche fondamentale si nous voulons devancer l’évolution des moustiques. Certaines espèces, par exemple, ont commencé à se nourrir plus tôt dans la journée pour contrecarrer l’utilisation des moustiquaires de lit. « Comprendre comment les moustiques nous trouvent dans notre environnement et comment nous les attirons nous aidera à développer des répulsifs plus efficaces. »
Quant à Kim Zarins, elle attend avec impatience le jour où elle pourra arrêter de jouer les leurres pour son fils et trouver un répulsif qui leur convienne à tous les deux.