De nouveaux virus débarquent en France
Transmis par voie aérienne : les moustiques
Dengue, Zika, fièvre du Nil, Chikungunya, Usuru…
Nous avons tous plus ou moins entendu ces noms de virus à consonance exotique, mais que l’on sait tous à quel insecte rattacher – Le Moustique.
Ces virus, responsables de maladies jusque-là courantes uniquement dans les zones reculées, sont en train de se libérer des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, tant dans ses territoires d’outre-mer qu’en milieu urbain, comme en témoignent les bases actuelles du virus de la dengue ou du virus Usutu autour de l’arc méditerranéen.
Alors que 2022 a vu une explosion des cas de dengue « natifs » en France métropolitaine (ou, en d’autres termes, le virus est apparu suite sur un personne n’ayant pas voyagé à l’étranger), et une infection – également natif chez l’homme – car le virus du Nil occidental a été détecté pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine.
Alors qu’en est il de la situation à ce jour ? A quels virus devons-nous faire attention en premier ?
Voici ce que nous avons appris ces dernières années, grâce aux travaux des réseaux de surveillance et des laboratoires de recherche étudiant ces virus.
Des maladies transmises des animaux aux humains
De nombreuses maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’homme par des « vecteurs » animaux, généralement des arthropodes suceurs de sang comme les moustiques, les moucherons, les lucioles ou les tiques.
Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on l’appelle «arbovirose» et le virus apparenté est décrit comme «arbovirus». Depuis 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dresse une liste annuelle des maladies prioritaires. Cette liste ne comprend que les maladies virales.
Sur les 9 répertoriés il y a 3 arbovirus : Maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo, fièvre de la Vallée du Rift.
Il faut aussi savoir que la plupart des arbovirus sont des maladies zoonotiques. En d’autres termes, ils provenaient à l’origine d’animaux domestiques ou sauvages porteurs d’agents pathogènes. Celui-ci est ensuite transmis à une personne, lorsque celle-ci est mordue par un arthropode intermédiaire qui a préalablement prélevé le sang d’un animal infecté.
Ce qui se passe ensuite dépend surtout du type d’arbovirus transmis. Un numéro peut être transmis de personne à personne, toujours via un vecteur. D’autres peuvent également se propager par d’autres modes de transmission (par exemple, le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par contact sexuel).
Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas d’homme à homme : on dit alors que l’homme est une «impasse épidémiologique». C’est par exemple le cas du virus du Nil occidental ou du virus de la vallée du Rift. Parmi les principaux agents de propagation des arbovirus figurent les moustiques, notamment le moustique tigre (Aedes albopictus).
Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Cependant, il peut lui-même propager certains virus « exotiques ».
Le moustique tigre continue sa progression
Catalysée par le commerce international, la propagation du moustique tigre (Aedes albopictus), qui transmet plusieurs virus « étrangers », s’est avérée très rapide.
Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes blancs a été découvert pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 des 96 départements de la ville (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, son expansion territoriale sera inarrêtable.
L’une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre une variété de virus pathogènes, dont les plus connus sont probablement les virus Zika, chikungunya ou encore la dengue.
Dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé un terrain de jeu fertile dans les régions du sud de notre pays. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité dans la capitale française, estimé à moins de 30 ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme toujours.
En témoigne une augmentation des cas dits « indigènes », ce qui signifie que la maladie s’est propagée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui surviennent en France mais contractées à l’étranger, lors d’un voyage. Les provinces du sud et du sud-est de la France comme l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus sensibles à l’infection, notamment en raison de la combinaison d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.
Sachez que la dengue est largement asymptomatique et que chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires, etc.) peuvent être facilement confondus avec d’autres symptômes. grippe ou, plus récemment, Covid, le nombre de cas est certainement largement sous-estimé.
Si l’affection qu’il provoque est généralement bénigne, le virus de la dengue peut tout de même entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1% des cas : la dengue dite « hémorragique », accompagnée de saignements dans de nombreux organes. De plus, certains dommages neurologiques ont également été notés.
Chikungunya reste discret
Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya circule depuis des décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. Par ailleurs, l’épidémie qui a frappé La Réunion, Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 a contribué à son exposition au public français.
La « maladie de la courbe » se caractérise par l’apparition de fièvre et de fortes douleurs articulaires. Très handicapé, affectant généralement les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez sont souvent décrits. La récupération peut prendre plusieurs semaines et parfois la douleur peut durer plusieurs années.
Les deux premiers cas de chikungunya autochtone ont été découverts en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas indigènes ont été recensés, dont deux foyers majeurs, l’un à Montpellier en 2014 et le second dans le Var en 2017 avec 17 cas recensés.
Le virus du chikungunya reste discret en France ces dernières années, avec trois cas importés en 2021 et cinq dans l’année en cours, selon les chiffres du ministère français de la Santé publique.
Cependant, le virus reste étroitement surveillé, d’autant plus que sa possible propagation par les moustiques tigres dans les régions tempérées d’Europe ne peut être exclue.
En attendant le retour du virus Zika
Le virus Zika a fait la une des journaux en 2015-2016. Il fut autrefois la cause d’une très grande épidémie, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes ont été infectées. L’affection la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (diminution du périmètre crânien fœtal) chez les femmes enceintes infectées.
En France, deux cas indigènes ont été recensés en 2019, dans le département du Var, pour lesquels aucune chaîne de transmission, notamment vectorielle, n’a été clairement établie. Figurant toujours sur la liste des 10 maladies à plus haut risque de maladie établie par l’OMS (l’Organisation Mondiale de la Santé), le virus a pourtant mystérieusement disparu de la vue depuis plusieurs années.
Cependant, son retour sur la scène virale est loin d’être exclu : on en a notamment parlé très récemment en Thaïlande, et 5 touristes sont tombés malades en Allemagne, au Royaume-Uni et en Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.
Même si les mécanismes à l’origine de l’émergence du virus Zika sont mal connus, des études de séro-prévalence (présence d’anticorps dans le sang) suggèrent que le virus circule activement dans certains territoires, notamment sur le continent africain.
Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la part de la communauté scientifique, pour se préparer à une éventuelle réémergence.
Le bon vieux Culex n’est pas abandonné
Un de nos moustiques « traditionnels », Culex pipiens ou moustique commun, présent dans toute la France, est également capable de nous transmettre des virus « étrangers ».
C’est notamment le cas du virus West Nile (virus du Nil occidental) et de l’Usutu, deux virus très proches qui peuvent parfois provoquer de graves lésions nerveuses comme l’encéphalite (inflammation du cerveau), la méningite (méningite) ou encore la méningite encéphalite (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’homme.
Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’ANSES et le CIRAD, montre que ces deux virus sont en installation durable dans certaines régions de notre territoire, notamment en grande Camargue. On les trouve fréquemment non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.
A ce jour, leur impact sur la santé humaine est resté faible : Un seul cas d’infection par le virus Usutu a été recensé en France, à Montpellier, alors qu’une trentaine de cas en provenance du West Nile ont été dénombrés ces 5 dernières années.
Cependant, il est important de surveiller la dynamique de transmission de ces virus, car plusieurs souches à la virulence plus ou moins importante circulent actuellement, ce qui oblige à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie majeure a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas recensés et plus de 180 décès recensés. En 2022, l’Europe du Sud sera à nouveau touchée : L’Italie a notamment recensé 723 cas et 51 décès liés.
En France, fin juillet 2023, un premier cas de virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région bordelaise, ce qui démontre la tendance de ce virus à se propager plus au nord de l’Hexagone.
En effet, des cas de ce virus n’étaient auparavant détectés qu’autour du pourtour méditerranéen (dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).
L‘activité humaine favorise-t-elle l’émergence des virus ?
La transmission de l’animal à l’homme n’est pas nécessairement synonyme d’épidémies, ni d’épidémie à grande échelle, de pandémie ou d’établissement dans de nouveaux territoires. En fait, ce type d’événement est le résultat d’une combinaison de plusieurs événements.
Le fait est que les échanges de commerce ou de voyage, en croissance exponentielle dans notre monde hyper-connecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de contagion pandémique.
Ce risque est encore accru par les modifications de l’environnement et du climat. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, en particulier les moustiques.
De plus, les changements climatiques et les impacts de l’homme sur leur environnement affectent parfois le comportement des animaux, par exemple en modifiant l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre l’animal et l’homme.
De profonds changements environnementaux
Ces changements environnementaux ont conduit à une épidémie de fièvre hémorragique argentine causée par le virus Junin.
Dans les années 1950, pour augmenter la culture du maïs, on procéda à des défrichements massifs, notamment à l’utilisation d’herbicides. Cette modification de l’environnement entraîne la prolifération des rongeurs, dont certains sont porteurs du virus, poussant la maladie au stade épidémique, notamment chez les ouvriers agricoles.
Des milliers de personnes ont ensuite été infectées. Une situation similaire a également été observée en Asie de l’Est lors de la conversion des terres pour la culture du riz, le virus Hantaan provoquant la « fièvre hémorragique coréenne ».
Les facteurs socio-économiques
Parmi les autres facteurs favorisant l’émergence de nouvelles maladies, mentionnons des facteurs socio-économiques spécifiques, comme l’augmentation du transport de marchandises et de personnes, notamment le transport aérien transcontinental, ou le développement croissant des zones urbaines.
Les fortes densités de population, qui facilitent la transmission rapide des maladies, ainsi que les difficultés d’approvisionnement en eau liées à l’urbanisation rapide, ont notamment contribué à la prolifération des maladies transmises par les moustiques susceptibles de véhiculer le virus.
Démontrant l’importance de ces facteurs, lors de la pandémie de Covid-19, le nombre d’infections « étrangères » importées (ou en d’autres termes, ramenées du tourisme) a nettement diminué, principalement en raison d’une forte baisse du transport de fret aérien international. Compte tenu de la nette reprise dudit trafic, une augmentation de ces cas est attendue cette année.
Cette situation pourrait influencer l’éclosion de cas en France, car une personne infectée entrant sur notre territoire peut effectivement transmettre la maladie à d’autres, surtout si un vecteur est présent.
La prévention, première arme contre les virus « venus d’ailleurs »
En l’absence d’antiviraux ou de vaccins efficaces, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque les vaccins présentent certaines limites (comme dans le cas de la dengue, le seul vaccin actuellement homologué a l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et la dengue sévère chez des personnes non infectées auparavant par le virus de la dengue), la seule solution est de prévoir la survenue de ces agents pathogènes de cette maladie.
Le meilleur moyen d’y parvenir est d’établir des réseaux adaptatifs et réactifs, au plus près du terrain, pour étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs différents environnements, sous l’approche qualifiante One Health (« One Health », l’homme et l’environnement).
Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux nationaux et internationaux de surveillance des maladies virales se sont développés. Malheureusement, leur capacité est encore bien en deçà du niveau nécessaire pour effectuer une surveillance efficace de la circulation des virus à haut risque, non seulement dans les pays d’endémie mais aussi dans les pays d’endémie où ils apparaissent.
L’émergence, suivie de la propagation rapide en 2020 du coronavirus SARS-CoV-2, à l’origine de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur la santé, le comportement et la vie quotidienne des personnes. Cette situation nous a fait prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les « nouveaux » virus.